dimanche 8 juillet 2018

Vedette André Colin - Penn-ar-Bed




Au sommaire de ce reportage :


  1. Penn-ar-Bed
  2. Desserte estivale des îles : des affrêtements à l’André Colin
  3. André Colin, desserte des îles finistériennes
  4. André Colin en images…
  5. André Colin, une vedette ayant fait son temps


Penn-ar-Bed


La Penn-ar-Bed est une compagnie maritime créée en 1992 par le Conseil Général du Finistère pour prendre la suite du SMD (Service Maritime Départemental). Elle fait partie du groupe Kéolis et a décroché son premier contrat de Délégation de Service Public en décembre 2008 pour 7 ans.

Penn-ar-Bed exploite 6 navires, dont 3 paquebots côtiers, 2 vedettes à passagers et 1 caboteur.


^^ Cliquez sur l’image pour afficher le site de Penn-ar-Bed ^^



Desserte estivale des îles : des affrêtements à l’André Colin


Dans les années 1990, les îles de Molène et de Ouessant étaient desservies par deux paquebots côtiers, l’Enez Eussa III et le Fromveur, mis en service respectivement en 1977 et 1992. En été, un navire rapide complétait le dispositif. Au début des années 1990, c’était l’Ar Vro, un catamaran de 27 mètres de long pouvant transporter 200 passagers à la vitesse de 18 nœuds qui assurait le complément du Fromveur et de l’Enez Eussa III. Revendu à Finist’mer en 1994, Penn-ar-Bed a décidé de le remplacer par le catamaran affrété Anahitra, un ancien crew boat de la SURF datant de 1983. Long de 31 mètres, il pouvait transporter 230 passagers à la vitesse de 25 nœuds.

L’Ar Vro désarmé à Brest (CC BY-SA 3.0).

L’Anahitra arrivant à Ouessant (CC BY-SA 3.0).

Dès 1994, le Conseil Général du Finistère et la compagnie Penn-ar-Bed ont décidés de lancer des études pour la construction d’une vedette neuve afin de mettre un terme aux affrêtements durant l’été pour compléter la flotte. C’est le chantier Lorient Naval & Industries, proposant une vedette à l’allure futuriste, qui a été retenu pour la construction de la nouvelle unité. Annoncé comme un prototype, le Conseil Général du Finistère a réussi à négocier un prix défiant toute concurrence.
En attendant l’arrivée de la nouvelle vedette, c’était un monocoque de 24 mètres affrété auprès d’Emeraudes Lines qui complétait la flotte de Penn-ar-Bed : le Mont Orgueil. Ce navire pouvait charger jusqu’à 150 passagers et filer à 20 nœuds.

Le Mont Orgueil à Brest.

Lancé le 24 mai 1996, l’André Colin, c’est le nom donné à la nouvelle vedette, a été convoyé à Brest pour qu’il soit équipé de ses éléments de sécurité et de navigation. Des essais ont eu lieu au cours du mois de juin 1996 et l’André Colin a finalement effectué son voyage inaugural le dimanche 30 juin 1996.

L'André Colin à quai au port de Sainte Evette (Audierne) en octobre 2009.

Appareillage de la cale de Sainte Evette.

L’André Colin en route pour les îles en mai 2008.

L’André Colin rentrant dans le Goulet de Brest en avril 2010.

Fin-mai 2010, l’André Colin est entré en carénage à Brest durant 3 semaines afin de remettre aux normes le navire. Une porte d’accès au salon a été créée sur bâbord en lieu et place de l’ancienne trappe d’évacuation, la drome de sauvetage a été remplacée, les défenses sur la coque ont été reprises, les moteurs révisés et des modifications ont été apportées au système de ventilation du bord. Il a repris du service le 17 juin 2010 avec une rotation Brest-Camaret-Sein.
Notons que l'André Colin a servi de lieu de tournage pour le film Les Seigneurs sorti en septembre 2012.

L'André Colin soulevé par l'une des grues du port de Brest pour l'arrêt technique de 2010.

L'André Colin en l'air. 


André Colin, desserte des îles finistériennes


L’André Colin était donc affecté à la desserte des îles situées au large du Finistère, à savoir Ouessant, Molène et Sein au départ de Brest, du Conquet, de Camaret et d’Audierne. En période d’avant et après saison(avril-mai-juin-septembre), les lundi, mardi, jeudi et samedi, il faisait une rotation entre Brest, Camaret, Le Conquet, Molène et Ouessant avec un départ le matin du continent et retour des îles le soir. Après son arrivée matinale à Ouessant, il repartait pour Le Conquet, via Molène, pour ne repartir du Conquet qu’en fin d’après-midi. Il faisait alors escale à Molène puis à Ouessant avant de redescendre directement au Conquet, à Camaret et enfin retour à Brest en soirée. Les mercredi et vendredi, il partait très tôt de Brest à vide pour effectuer un départ de Ouessant puis Molène en début de matinée puis revenait à Brest, via Le Conquet.

En haute-saison (mi-juillet à la mi-août) et du lundi au samedi, l’André Colin appareillait le matin de Brest, via Camaret et Le Conquet pour un direct Ouessant. Le retour de Ouessant était programmé en fin d’après-midi pour un direct Le Conquet-Camaret-Brest sans escale à Molène.
Le dimanche, l’André Colin effectuait une rotation vers l’île de Sein au départ de Brest (9h00) et de Camaret (9h45). Le retour de Sein était programmé à 17h00, pour un retour à Brest à 18h45.

Au mois de février, l’André Colin remplaçait l’Enez Sun III qui partait en arrêt technique annuel à Concarneau. Il assurait généralement un départ le matin d’Audierne et un retour en fin d’après-midi de Sein.


Pour finir, les temps de traversée approximatifs pour l’André Colin sur les différentes lignes :
  • Brest-Camaret : 30 minutes
  • Camaret-Le Conquet : 45 minutes
  • Camaret-Ouessant : 1h30
  • Camaret-Molène : 1h15
  • Camaret-Sein : 1h05
  • Le Conquet-Molène : 30 minutes
  • Le Conquet-Ouessant : 40 minutes
  • Ouessant-Molène : 20 minutes
  • Audierne-Sein : Moins d’1 heure

La carte des liaisons proposées par l’André Colin. Les liaisons surlignées en rouge
correspondent à celles desservies par l’André Colin en saison et celle en noir à la liaison Audierne-Sein, desservie par le navire en remplacement de l'Enez Sun III.


Avant de continuer ce reportage, revenons sur les caractéristiques de l'André Colin :

Caractéristiques administratives


Vedette à passagers : ANDRÉ COLIN
Quartier maritime: BREST
Armateur propriétaire : DÉPARTEMENT DU FINISTERE (1996 > 2016) ; RÉGION BRETAGNE (2017-2018)
Armateur gérant : PENN-AR-BED (1996 > 2016)
Chantier naval : LORIENT NAVAL & INDUSTRIES, LORIENT
Année de construction : 1996
Date de mise à l’eau : 24 mai 1996
Année de désarmement : 2016
Année de déconstruction : 2018

Caractéristiques d’exploitation


Capacité : 195 passagers
Équipage : 5 marins
Vitesse de croisière : 23 nœuds

Caractéristiques géométriques


Longueur hors tout : 34,90 m
Longueur entre perpendiculaires : 31,00 m
Largeur : 7,00 m
Creux : 3,50 m
Tirant d'eau : 1,65 m
Port en lourd : 31 tonnes

Caractéristiques techniques


Coque : Acier
Propulsion : 2 moteurs Diesel rapides quatre temps MWM type TBD 620, 12 cylindres en V, entraînant chacun à 660 tr/mm une hélice à pales fixes par l’intermédiaire d’un réducteur.
Puissance : 2x1525 kW (2x2073 ch) à 1800 tr/mm
Production d’électricité : 2 groupes Diesel-alternateurs de 68 kW chacun
Jauge brute : 293 UMS
Jauge nette : 159 UMS
Propulseur d’étrave : Non
Stabilisateur antiroulis : Non

La plaque du chantier naval Lorient Naval & Industries.


André Colin en images…


L’André Colin à quai à la gare maritime de Brest.

En route pour les îles ! Photo prise depuis la presqu’île de Crozon.

Passage au large de Camaret.

L’André Colin en escale au Conquet.

La poupe.

L’André Colin à quai à l’appontement du port de Lampaul (Ouessant).

L’André Colin le long du môle de Men Brial à l’Île de Sein.

L’André Colin sur coffre à l’Île de Sein.

Retour des îles.

Entrée dans le goulet de Brest.

Arrivée de l’André Colin dans le port de Brest.

Vu de profil.

Approche du bassin où se trouve la gare maritime brestoise.

 L'André Colin dans les bassins de commerce de Brest pour soutage.

Soutage dans le bassin n°5 du port de Brest.

L’André Colin désarmé à Brest en juin 2017. 


Vu de trois quarts arrière.


Visite du navire


Je vous propose, pour commencer, de découvrir les espaces accessibles à tous les passagers.

Le salon



Situé sur le pont 2 et accessible depuis le quai par une porte de chaque côté, le salon pouvait accueillir 195 personnes. On retrouvait des rangs de 3 sièges de long des sabords sur l’avant du salon, avec au centre des groupes de 4 sièges. Sur la partie centrale du salon, le long des baies vitrées on retrouvait des rangs de 3 sièges puis sur l’arrière des rangs de 4 sièges au centre du navire.

Plan de l’aménagement du salon.

Le salon vu depuis l'extérieur.

La partie avant du salon.

La porte d’entrée tribord du salon.

La partie arrière tribord du salon.

Le petit salon



Le petit salon pouvait accueillir quelques passagers assis autour d’une table. Nous y retrouvions également le bar qui proposait des boissons aux passagers. Ce petit salon servait également de poste d’équipage lorsque le bateau n’était pas en service.

Le petit salon vu de l’extérieur.

Vu de trois quarts arrière.

La fausse cheminée installée à l’arrière du petit salon.

L’intérieur du petit salon et le bar.

Le pont supérieur


Il se situait dans la continuité du petit salon, au pont 3. Cet espace extérieur était parfois ouvert pour que les clients puissent passer la traversée à l’extérieur. Cependant, aucunes places assises n’étaient présentes.
Notons que sur la partie arrière du pont supérieur, on retrouvait un petit espace fret qui permettait de transporter 3 tonnes de marchandises lors des remplacements de l’Enez Sun III sur Audierne-Sein. Les marchandises étaient manutentionnées à l’aide d’une petite grue.

La partie extérieure accessible aux passagers.

L’arrière du pont supérieur avec l’espace fret et sa grue.

La grue.


Visite technique


Je vous propose maintenant de découvrir les espaces réservés à l'équipage et des aspects plus techniques de ce bateau.

Le gaillard d'avant



Nous y trouvions 4 bollards pour y tourner des aussières, et un guindeau qui permet de manœuvrer l'ancre qui était placée sur la proue. Ce guindeau dirigeait la chaîne depuis le puits aux chaînes vers une poulie qui la redirigeait vers la pioche. Notons qu’un petit cabestan était installé sur le guindeau.

Le gaillard vu de l’extérieur.

Le gaillard vu du salon.

La pioche.

Le gaillard d’arrière



Le gaillard d’arrière était situé derrière le salon principal du bateau. Nous y trouvions 2 bollards pour y tourner des aussières et d’un cabestan. Notons qu’une pioche était en place sur la poupe.

Le gaillard d’arrière.

La pioche.

La passerelle



Située sur l'avant du pont 3, elle regroupait tous les éléments qui permettaient de contrôler et de manœuvrer le navire : la barre à roue, les manettes des gaz, la VHF, le radar et tous les autres composants nécessaires à piloter et à contrôler le navire.

Vue extérieure de la passerelle.

Vue de trois quarts arrière.

L'intérieur de la passerelle.

Le pupitre navigation avec le tableau moteur juste en-dessous, à gauche de l’image.

Vu de l’autre côté.

Le mât radar



Sur le toit de la passerelle, on retrouvait un mât qui est équipé de deux radars, d’une corne de brume et des feux de navigation. Sur le toit de la passerelle, on retrouvait un projecteur.

Le mât radar dans toute sa hauteur.

L’un des deux radars.

Le projecteur de recherche.

La machine



L’André Colin était pourvu de 2 moteurs MWM type TBD 620 développant chacun 1525 kW. Chaque moteur entraînait une hélice à pales fixes par l’intermédiaire d’un réducteur. À bord, la production d'électricité était assurée par deux groupes électrogènes développant au total 136 kW.

Le moteur bâbord.

Le moteur tribord.

Un arbre d’hélice sortant d’un réducteur.


Le PC machine



Le poste des commandes de la machine est situé au pont 1, devant la salle des machines. On y retrouvait toutes les armoires de commande qui regroupaient divers voyants ou écrans qui signalaient que tous les organes du moteur et des groupes électrogènes fonctionnaient correctement. A proximité des armoires de commandes, un petit établi était installé.

Le PC machine.


Le local barre



Situé dans la continuité de la salle des machines, le local barre était l’endroit où l’on trouvait la barre hydraulique des safrans du navire. On retrouvait juste derrière la barre un indicateur de position de cette dernière qui était très pratique en cas de panne des commandes de la barre à la passerelle. En cas de problème sur la transmission principale, il était possible d’agir directement sur la barre à l’aide d’un palan.

L’axe de la barre du safran bâbord.


La sécurité à bord


Pour assurer l’abandon du navire en cas de naufrage, l’André Colin était doté de 3 radeaux de sauvetage se gonflant automatiquement lorsqu'ils rentraient en contact avec l'eau.
En plus de ces 3 radeaux de sauvetage, nous retrouvions aussi 5 bouées de sauvetage, dont 2 sur le gaillard d’avant, 1 sur le gaillard d’arrière et 2 sur le pont supérieur.

Un des trois radeaux de sauvetage du bord, fournis par l'entreprise Viking.

L'une des 5 bouées couronne du navire.


André Colin, une vedette ayant fait son temps


Assez rapide mais pas très confortable, l’André Colin était la seule vedette à passagers appartenant au Conseil Départemental du Finistère. Malgré sa longueur importante, sa capacité en passagers était faible et ces derniers étant tous installés dans le salon principal. Ainsi, ils n’avaient pas beaucoup de place et les ponts extérieurs était exigus et pas souvent ouverts. Navire mal conçu, l’André Colin avait une carène dite « semi-planante » mais ce dernier roulait et tanguait même par temps calme. De plus, sa construction en acier était trop lourde pour le concept de carène semi-planante et le navire ne déjaugeait pas assez malgré sa forte puissance : la vitesse n’était ainsi pas très élevée. Enfin, sa puissance motorisation était très énergivore en carburant. Tous ces raisons conjuguées à une fatigue structurelle de la coque et des moteurs ont entraîné l’arrêt définitif de l’exploitation de l’André Colin après la saison 2014.
En 2018 la Région Bretagne a décidé de céder l’André Colin au chantier Navaleo de Brest afin de le déconstruire, après seulement 20 ans de services sur les îles finistériennes.


André Colin, une vedette rapide peu rentable et ayant mal vieillie...


L'André Colin en juin 2018 aux côtés d'autres navires condamnés et attendant leur démolition à Brest.  

Un grand merci à Michel Floch, Pascal Moreau pour leurs photos ainsi que Fabrice Dufour pour son aide précieuse et ses clichés.

Texte, bannière et mise en page : Alspace
Photos : Alspace, Fabrice Dufour, Michel Floch.